Original author: Étienne Lajoie
Published: April 5, 2022
Source: Le Devoir
La situation s’aggrave dans certains hôpitaux de l’Ontario, deux semaines après la levée du règlement sur le port obligatoire du masque dans la plupart des lieux publics. Depuis le 21 mars, le nombre d’Ontariens hospitalisés en raison de la COVID-19 a presque doublé.
À l’hôpital général de North York, au nord-est de Toronto, les salles d’attente sont pleines, entre autres à cause de la COVID, raconte l’urgentologue Anne Aspler. Trop de lits sont occupés, et le centre hospitalier est en manque d’infirmières, explique la Dre Aspler. « Le moral des employés est à terre, et je ne vois aucune solution possible à court terme », a écrit la médecin. Vingt-quatre patients infectés par le SRAS-CoV-2 sont actuellement à l’hôpital.
Lundi, le premier ministre, Doug Ford, affirmait qu’un « petit pic » d’infection frappait la province : 857 patients atteints de la COVID-19 étaient alors dans des hôpitaux de la province. Leur nombre est passé à 1091 en seulement 24 heures.
C’est presque le double du nombre qu’on enregistrait le 21 mars dernier, jour où son gouvernement a mis fin au port obligatoire du masque.
Même si plusieurs Torontois ont continué de le porter, la décision a sans conteste contribué à la hausse des hospitalisations dues à la COVID-19, affirme le Dr Fahad Razak, interniste et épidémiologiste à l’hôpital St. Michael’s de Toronto. Le médecin salue d’ailleurs la décision de la Santé publique québécoise de prolonger l’obligation de porter le masque en public jusqu’à la fin avril. « Ils sont prudents », estime-t-il.
Dix patients sont atteints de la COVID-19 à l’hôpital St. Michael’s en ce moment. « Nous voyons une augmentation rapide du nombre de cas, et si cela continue à ce rythme, nous allons avoir de vrais problèmes », souligne le Dr Razak. Le système de santé est « incroyablement résilient », mais a aussi ses limites, estime le médecin torontois. « Il était déjà débordé avant la pandémie, poursuit-il, et là, en plus, nos employés tombent malades. »
Comme en janvier
Comme lors de la vague causée par le variant Omicron, en décembre et janvier derniers, les hôpitaux ontariens doivent à nouveau composer avec des effectifs réduits. « Ce n’est pas autant que lors de la vague du variant BA.1, mais ça commence à augmenter », relate le Dr Razak.
Le phénomène se fait sentir dans plusieurs hôpitaux de la province, a pu constater Le Devoir.
Au Réseau universitaire de santé de Toronto, qui regroupe cinq établissements, 384 des quelque 17 500 employés manquent à l’appel, soit parce qu’ils sont infectés, soit parce qu’il y a un cas positif chez eux. « Nous voyons plus d’infections et d’exposition », indique la porte-parole du réseau, Gillian Howard. Quelque 436 employés sont absents au réseau de santé Hamilton Health Sciences. À l’hôpital général de Guelph, à l’ouest de Toronto, 53 employés ne sont pas présents en raison de la COVID-19.
Du côté de l’Hôpital régional de Windsor, 220 membres du personnel sont absents à cause de la maladie, soit environ 5 % des effectifs. « Depuis le début du mois de mars, le nombre d’absents a doublé », précise le directeur des communications, Steve Erwin. Le taux d’absentéisme augmente aussi au Centre des sciences de la santé de Kingston : 140 employés sont à la maison à cause de la COVID-19, environ 50 de plus qu’il y a deux semaines.
Vers un retour du masque ?
Certains experts demandent maintenant au gouvernement ontarien de revenir sur sa décision et d’imposer à nouveau le port du masque dans les lieux publics.
C’est le cas entre autres du Dr Andrew Morris, spécialiste des maladies infectieuses et membre de la Table de consultation scientifique de l’Ontario, qui a livré son opinion sur les réseaux sociaux mardi. La mesure est nécessaire en raison de la quantité de patients hospitalisés, de l’infectiosité du variant BA.2 et du nombre insuffisant de troisièmes doses de vaccin contre la COVID-19 administrées en Ontario, selon lui.
Pour éviter de mettre à nouveau les hôpitaux sous pression, le Dr Razak pense d’ailleurs que la province doit recréer la « magie » qui a fait en sorte que la population a reçu ses deux premières doses de vaccin en grand nombre. « Nous avons eu une adhésion remarquable à la vaccination pour les première et deuxième doses, mais ce n’est même pas proche pour la troisième », analyse-t-il.
Environ 60 % des Ontariens de plus de 18 ans ont obtenu leur troisième dose ; ce taux est presque identique à celui du Québec.
Ce reportage bénéficie du soutien de l’Initiative de journalisme local, financée par le gouvernement du Canada.